Gérer son équilibre pendant le confinement. Les réflexions de notre psy


Cet article rassemble certaines des réflexions de notre psychothérapeute Corinne Riest sur le confinement. 

Bonjour à tous,

Tout d’abord je vous souhaite d’aller bien dans cette période où, à la fois il est important d’être prudent sans tomber dans la psychose et dans ces peurs virulentes qu’on nous instille à chaque minute. Le danger est là, mais la modération reste de mise et un équilibre intelligent est nécessaire pour vivre cette période. Pour vous si vous êtes seuls, et pour ceux avec qui vous êtes, si accompagnés.

Une période historique 

Je n’avais pas, de prime abord envisager de faire un écrit, considérant qu’un psychothérapeute  n’avait pas forcément à interférer dans cette période historique et exceptionnelle à vivre, et que peut être, il était opportun pour chacun d’entre nous de vivre ce « bouleversement», cette « catastrophe sanitaire » dirons-nous, entre soi et soi, avec sa famille ou d’autres personnes. C’était au tout début du confinement. Cependant les messages que je reçois me montre que l’angoisse monte crescendo chez certains d’entre nous. Si je peux donc ne serais ce qu’un peu, apporter ma pierre à l’édifice de la solidarité, ce serait déjà bien, et que vous peut-être, puissiez apporter la vôtre avec les gens que vous connaissez, serait bien aussi.

A l’image de ce virus méconnu de notre corps, cette épreuve est aussi méconnue de notre psychisme. Celle du confinement, qui laissera des traces pour tous, intégrant  inévitablement dans nos vies, un avant et un après plus ou moins difficile. Celle aussi de la mort avec la crainte d’être porteur, donc potentiellement dangereux, d’infecter l’autre, d’en être infecté, et d’imaginer à notre porte les images terribles relayées aux informations.

Psychologiquement, le sujet en est donc « la mort ». On en a l’habitude puisque dans toute angoisse ou peur, la mort s’y invite mais cachée, donc de loin. Une rupture est liée à la mort d’une relation mais sera vécue comme un abandon… et tout autre vécu relatif à la fin de quelque chose y verra l’idée de la mort pour une naissance à autre chose. Mort/vie. Vie/mort. Dans la situation de l’épidémie cette mort nous parviens sans paravent, de manière frontale, comme un jeu de dés, et crée de manière inconsciente surtout, une situation extrême, de survie même pour certains. D’autant que dans nos cultures occidentales où la mort est niée, cachée, refusée, et donc portée au plus loin de notre vue, cela accentue encore le processus.

Ainsi nos fragilités peuvent exulter et dans ce confinement des angoisses nous envahir. Etre physiquement ou psychiquement malade (en plus de la menace du virus) et de surcroît confiné, va accentuer la peur. Vivre seul cette épreuve, dépressif ou psychotique, représente de manière exponentielle, une mise en danger catastrophique de la santé mentale.

La relation 

Sur un plan relationnel, être confiné dans un couple conflictuel avec des enfants dont on ne sait plus quoi faire, ni quoi leur dire devient aussi anxiogène. De la même manière qu’être parent seul avec ses enfants ou être parents âgés sans leurs enfants adultes pour les visiter, et la liste est longue….

L’endroit aussi où l’on vit est important, un petit appartement n’est pas une grande maison avec jardin. Et l’argent : comment faire après ? Vais-je perdre mon emploi ? Mon entreprise ? Bref les raisons ne manqueront pas et c’est bien légitime.

Surtout qu’il n’est plus parlé que de cela, dans des termes choisis par l’Etat, de guerre, de héros de guerre et de victimes de guerre bien évidemment dont nous faisons tous potentiellement partie quand l’information se targue d’en donner les chiffres et les estimations chaque jour, oubliant la plupart du temps les 98%  d’entre nous qui survivent.

Je n’aurai pas de recettes à vous apporter sur le « comment vivre au mieux cette situation » d’autant que les sites sont nombreux à proposer de l’occupation que ce soit de la méditation, de la sophrologie, du sport etc… Chacun regorge de son petit conseil qui sera bon à prendre pour qui le voudra. Néanmoins, le conseil, la méthode seront bons pour l’un lorsqu’ils ne le seront pas pour l’autre. Et cela vaut aussi pour moi bien sûr.

Les émotions 

En tant que psychothérapeute, je serai plutôt encline à vous parler d’émotions. Pas de bonnes ou de mauvaises émotions, mais d’émotions tout court. Tout comme le corps a un mécanisme de défense lui permettant d’élever sa température afin d’éradiquer un virus ne résistant pas à la chaleur, en psychologie l’émotion peut aussi être un mécanisme de défense. Quand l’angoisse de la mort  ouvre un vide en soi, pour combler ce vide, on y met la vie de l’émotion. C’est pour cela aussi qu’elles nous sont vitales. Si c’est la colère qui prédomine, il s’agira de pousser son « coup de gueule » sans violence bien sûr au lieu de vouloir la chasser. Si c’est la tristesse pleurer un bon coup pour se soulager, si c’est la peur  l’appréhender comme quelque chose de normal.

Et puisque tout est question d’équilibre, le but n’est pas non plus de nourrir l’émotion indéfiniment et de s’y complaire bien sûr, mais plutôt de prendre conscience qu’une peur, par exemple, peut s’avérer être un stress nécessaire, dans une situation anxiogène. La vivre comme un signe de bonne santé plutôt que comme une faiblesse. Un réactionnel de peur face à une situation de danger est tout à fait cohérent, à l’inverse d’un déni qui serait bien plus nuisible pour vous.

Tout va donc bien lorsque vos émotions se chevauchent. Sachant qu’elles se déclineront sous différentes variantes. Et se changerons au fil des jours, et que l’émotion ambiante d’hier qui n’était pas totalement celle d’aujourd’hui, ne sera pas non plus celle de demain ou dans quinze jours. Pour certains ce sera même plutôt plaisant, il suffit de regarder l’humour des réseaux sociaux mais ça ne durera pas, puisque l’émotion changera. Je ne veux pas dire qu’il n’y aura plus d’humour sur les réseaux, simplement d’autres y mettrons cet humour nécessaire.

L’idéal serait de faire avec l’émotion comme avec une personne. Quelqu’un sonne chez vous, vous ouvrez. Si vous n’ouvrez pas la personne risque de résonner. L’émotion qui frappe à la porte demande à ce qu’on lui ouvre, et lui demandions pourquoi elle est là, et ce qu’elle veut exprimer. Et lorsque l’énergie de l’émotion s’est « consumée », elle se dissipe, vous apporte un soulagement et vous permet de restez en bonne santé psychique, simplement parce que vous n’avez pas nagé à contre-courant de vous-même. Il est probable qu’elle revienne, et vous l’accueillez de nouveau comme une invitée.  Cela suffit à un équilibre mental ce qui fait que, par la même occasion vous en faites bénéficier ceux autour de vous, ou au téléphone, quand  l’important dans ce contexte actuel est de rester en bonne forme psychique.

Les réseaux sociaux

Concernant l’humain, une autre chose est vitale, c’est le lien avec l’autre puisqu’on  détermine son soi face à l’autre. Le «je » n’existe qu’au travers du « nous » ce que nous avons parfois tendance à oublier. Et comme nous avons besoin de liens, et qu’après nous être perdus dans l’individualisation, nous prônons maintenant l’interdépendance des relations, il est donc fondamental de rester liés ou de se lier, de faire connaissance qui sait, avec l’autre, quel qu’en soit le moyen. Et les réseaux sociaux sont importants dans cette période. Les groupes d’échanges, peuvent être bénéfiques aux gens seuls. Se sentir utile à prendre soin de ceux que vous aimez peut vous enrichir. Le recevoir fait du bien, mais le donner tout autant. Partager votre solitude avec l’autre, entendre le récit de cet autre, est déjà une manière de n’être plus totalement isolé.

Ne pas échanger durant deux jours avec quelqu’un est supportable bien sûr, ne pas échanger avec quelqu’un durant des semaines dans le contexte anxiogène dans lequel nous sommes projetés aujourd’hui peut rendre dépressif ou psychotique, en proie à de véritables traumatismes. Il est par exemple évident que certaines transgressions liées au confinement, est le fait d’une obligation pour la personne qui, si elle reste cloisonnée chez elle, « tombera folle ». Et donc évitera la décompensation. Alors soyez là pour l’autre, créer votre propre chaîne de solidarité et si vous êtes au courant d’une violence chez le voisin, dénoncez pour protéger. Le rôle de chacun est important.

Après avoir connu les réseaux, les écrans qui, il y a quinze jours encore séparaient les gens qui ne se regardaient plus dans la rue ou les lieux publiques, aujourd’hui ils réunissent. Grand bien leur fasse.

Le temps 

Ce dont cette période particulière parle aussi, c’est du temps inutile. Lorsque l’on est confiné, sans télé travail, le temps devient un temps à vivre sans utilité. Il nous faut alors recréer des habitudes de vie, des rituels qui rassurent, chacun selon ses besoins. Car il est probable autrement que dans cet espace là, apparaisse cette sensation d’ennui et d’inutilité très prégnante puisque trop loin d’un quotidien habituel prônant l’hyperactivité.

Ca peut-être une ouverture à autre chose, qui peut pourtant nous être profitable. L’imagination de l’enfant survient lorsque l’ennui se fait sentir chez lui et que pour combler ce vide, elle s’exprime de manière créative. Il se peut alors que l’ennui chez l’adulte le renvoie à la même chose, et que l’inconscient fera en sorte de remplir l’imaginaire de manière créative également et faire des jeux sur internet ou regarder des séries, par exemple, dans ce contexte différent qui n’aurait pas été le même conseil hors confinement, (comme quoi les paramètres changent en fonction de l’environnement), où nous aurions privilégiés l’extérieur, bref, c’est déjà s’ouvrir à un imaginaire autre que celui, anxiogène de ce nouveau quotidien.

Etre acteur

Et puis aussi peut-être, s’il est besoin de le rappeler, ne pas faire l’autruche sur la situation d’aujourd’hui, sans tomber dans la psychose de n’être relié qu’à l’information, mais s’informer, être au courant de ce qui se passe dans le monde, se révolter peut-être, en être attristé aussi, apeuré à certains moments n’est pas négatif pour les « Humains debouts » que nous sommes. Assister à une pandémie planétaire et en être touchée humainement est plutôt salutaire. Appréhendé le monde et sa situation actuelle est aussi une manière d’être acteur de sa vie, sans se laisser piétiner par l’avis d’autrui, et s’informer suffisamment pour se faire sa propre opinion des choses sera toujours bénéfique. Il existe tant de personnes à lire, écouter, regarder pour nous enrichir en ce monde. Nous sommes peut-être confinés, donc privés de nos libertés d’action, mais pas privés de notre liberté de penser qui reste la richesse infinie des individualités que nous sommes.   

 

Rédigé par :

Corinne Riest, psychothérapeute

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