Quelles sont les réticences à aller consulter un psy ?


Alors que la France est un des plus grands consommateurs au monde d’antidépresseurs, d’anxiolytiques et somnifères, elle est aussi un pays qui consulte peu chez les « psys ». Seulement 4 millions de personnes auraient consulté au moins une fois un psy au cours de leur vie. Dans d’autres pays consulter un psychologue est naturel et ne pose pas de problème, la démarche se fait aussi naturellement qu’aller voir un médecin « du corps » : la souffrance psychologique est prise en compte de la même manière que la souffrance physique.

Résistance au psy

Dans l’idée de résistances au changement, quelles sont les résistances à franchir ce pas ? Quelle sont les réticences à aller consulter un psy ?

Elles sont propres à chacun, cependant il existe quelques lieux communs dans lesquels une personne n’ayant jamais consulté ou craignant de le faire peut se retrouver.

Voici donc une dizaine de raisons le plus souvent évoquées :

1. Je connais mes difficultés, les causes de ma souffrance

L’idée que connaissant le problème à résoudre, il est inutile d’aller consulter, d’autant que n’ayant aucune garantie de résultat, c’est une perte de temps et d’argent. Lorsque franchissant malgré tout la porte d’un cabinet cette personne dira « ça fait des années que j’y pense ».

2. Je ne vais pas si mal pour intéresser un psy

Cette idée que « Je ne vais pas si mal, j’ai tout pour être heureux », ou  que « Je n’ai pas le droit d’être mal, il y a bien pire que moi », la satisfaction de certains besoins étant résolue, le ressenti n’est pas pris en compte. Seule compte alors la raison et tout passera par le tamis de cette raison aux dépends du sentiment et de l’émotionnel. C’est une erreur puisque nous fonctionnons sur trois parties distinctes de notre cerveau en interaction permanente et que c’est l’équilibre entre ces parties qui crée le bien-être ou le mal-être. La partie du cerveau qu’on appelle cortex s’occupe de la raison, la mémoire, le langage, l’intelligence… Celle qu’on appelle limbique de l’émotionnel et du sentiment et la troisième la partie reptilienne, la plus archaïque s’occupe des besoins fondamentaux tels la faim, la soif, la respiration et les pulsions.

Ajoutons à cela l’inconscient qui se manifeste un peu partout à la fois. Ces différentes régions de notre appareil psychique se côtoient en permanence, interagissent et s’opposent à notre insu. Et bien sur tout est fonction du vécu, de l’éducation, des croyances, de la culture, de la génétique etc …

3. Je suis capable de m’en sortir tout seul

Cette autre idée que la volonté suffit à tout résoudre. Que dans la vie on doit pouvoir se débrouiller seul avec ses problèmes sans demander de l’aide, et encore moins à un psy. C’est la culture du moi tout seul, la crainte de l’infantilisation. Bien sur la meilleure volonté qui soit ne suffira pas à résoudre un problème d’inconscient. Prenons l’exemple de la dépendance. J’ai une volonté farouche d’en sortir et pourtant je n’y arrive pas, je replonge. Simplement parce que ce problème en masque un autre à mettre en lumière pour le résoudre. Ça peut être un problème existentiel, une dépression, un déterminisme familial, un syndrome d’abandon etc… et je vais mettre toute mon énergie dans cette dépendance afin qu’elle remplisse mes manques. C’est un leurre bien sur.

4. Je n’ai rien à découvrir de moi

La prise en compte de la présence d’un inconscient, joue aussi dans le refus de consulter. Alors que le psy attribue à l’inconscient beaucoup de pouvoir sur notre psyché, douter de cette présence en nous peut être rédhibitoire. L’inconscient étant par nature inconscient, donc non prouvable, certaines personnes le considère toujours inexistant même si certaines études nous montrent aujourd’hui qu’il pourrait représenter jusqu’à 90 % de notre psychisme ce qui laisserai 10 % à notre conscient.

5. Je ne fais pas confiance à un psy

Le manque de confiance. Une attitude défensive à vouloir se dévoiler pose la question de la confiance en l’autre. Qui est ce psy à qui je vais devoir confier mon intime ? Faire confiance, s’en remettre à quelqu’un n’est pas si évident. D’autant qu’une mauvaise expérience peut avoir été vécue. C’est alors d’autant plus difficile de refaire confiance à un thérapeute.

6. C’est long et trop cher pour moi

L’idée fréquente qu’une thérapie dure longtemps, que c’est onéreux, qu’il faille faire des séances rapprochées. C’est une idée fausse, une séance peut suffire à dénouer un blocage, parfois c’est moins de cinq, moins de dix, ou plus effectivement. Une thérapie s’arrête parfois durant des semaines, des mois ou des années et puis le patient revient pour un problème spécifique. Les séances peuvent avoir lieu tous les 15 jours ou tous les mois ou plus encore. Il vaut mieux faire des séances espacées que pas de séances du tout. C’est de toute façon le patient qui décide, le psy s’adapte au patient, pas l’inverse.

7. Je n’arrive pas à montrer mes fragilités

Ce sont souvent des personnes forcées par leur entourage qui viennent. Ce qui amène à dire qu’il faut un minimum d’estime de soi pour aller consulter. Avec un narcissisme trop faible, voire une détestation de soi, la personne se sentira dans l’impossibilité de mériter l’écoute et le soutien et ce, même au prix du règlement des séances. Ces personnes diront alors « je ne veux pas vous embêter, prendre de votre temps ». Là, la thérapie est plus longue effectivement.

8. Les autres vont penser que je suis fou/folle

L’idée du jugement des proches qui vont penser qu’aller voir un psy c’est être fou. L’idée que la personne elle-même pense que si elle a  besoin d’un psy c’est qu’elle est folle. C’est sans doute un point important provoqué par la confusion entre psychiatrie et psychothérapie. La folie fait peur, elle a de tout temps été redoutée. Avec la vieillesse, la maladie et la mort, c’est sans doute la peur la plus grande chez les êtres humains parce qu’elle touche à l’identité. Perdre sa conscience, ne plus être maître de son esprit. D’ailleurs la plupart des gens demandent à ce que leur vie soit raccourcie si elles perdent la raison.

Quoi qu’il en soit, il existe deux types de pathologies bien distinctes l’une de l’autre :

  •  Le fou que l’on pourrait qualifier de psychotique est celui qui ne peut pas intégrer la réalité commune à l’humanité. Il va alors la réagencer par des délires par exemple. Cette personne que l’on dira psychotique transformera la réalité. Par exemple si une personne est apeurée dans cette pièce parce qu’elle voit des araignées partout sur le sol et que tous les autres voient une autre réalité commune à savoir qu’il n’y a pas d’araignées alors on pourra considérer que celle qui voit les araignées est psychotique ou vit un délire psychotique momentanément. C’est un trouble psychique avec rupture de la réalité. Cela appartiendra donc à la psychiatrie, ce qui n’exclura pas la psychothérapie bien sur.
  • La personne en souffrance et non folle pourra être considérée comme névrosée. La réalité commune perçue comme telle, la fait énormément souffrir mais elle n’est pas réagencée par son psychisme. Elle aura peur à l’idée de voir des araignées sur le sol, mais ne les verra pas. Et donc c’est la peur des araignées, l’émotionnel intense et traumatisant que cela génère qui fera qu’elle se névrosera. Ce sera alors cette fois un trouble psychique sans rupture de la réalité. Cette personne consultera un psychothérapeute afin de se libérer de sa peur exacerbée des araignées.

9. Je crains que le psy en connaisse trop de moi

Dans les résistances à aller consulter un psy on peut aussi trouver la crainte de la représentation du psy. Comme si le psy avait une forme de toute-puissance et de clairvoyance à voir derrière votre boite crânienne et allait découvrir vos désirs cachés et vos pensées les plus obscurs. C’est un mélange d’attirance et de répulsion.

Cela dit, il n’y a pas que la peur du psy,  le corps médical en général peut inspirer la peur. La peur du gynéco, du dentiste, du cardiologue, de l’urologue est sans doute aussi présente chez de nombreuses personnes.

10. Je n’ai pas envie de parler de mon passé

L’idée qu’il faille toujours revenir sur l’enfance, remuer le passé et finalement ne pas s’occuper du présent. C’est vrai, la plupart du temps il est nécessaire de refaire un tour du côté du passé. Cependant le passé est utile pour résoudre le présent. Il ne s’agit pas de décrire sa biographie dans les détails durant des mois, simplement d’y puiser juste les éléments nécessaires à résoudre la problématique du présent. D’aller chercher ce qui, dans le passé agit toujours dans le présent. A ce titre, si ce passé agit toujours, c’est donc qu’il est actuel : l’important est donc de faire en sorte qu’il n’agisse plus de manière négative sur la personne. Créer un recul, une distanciation avec l’événement.

11. Je n’ai pas envie de remettre en cause l’éducation parentale

L’idée qu’il faille juger son enfance et ses parents. C’est difficiles surtout lorsque les relations adultes avec les parents sont bonnes. La personne peut être dans un conflit de loyauté, de fidélité. Ceci est un amalgame, une mauvaise compréhension des choses. Il ne s’agit pas de juger, il s’agit de comprendre l’enfant que l’on a été, de ressentir de nouveau ce que cet enfant à pu ressentir à cette époque là précisément. Parce qu’un parent peut avoir eu une mauvaise attitude, un manque de compréhension, sans être pour autant un mauvais parent. Par exemple un parent qui exige de son enfants des bonnes notes à l’école ne désire pas faire de mal à son enfant, mais  veut plutôt qu’il réussisse sa vie, et donc lui donner les meilleurs outils possibles pour sa vie d’adulte. Et pourtant ce même enfant peut être traumatisé par l’exigence trop forte du parent. Se demandant anxieusement comment il va pouvoir satisfaire une telle demande. Pensant qu’il ne sera plus aimé, digne d’intérêt s’il échoue. Qu’il est aimé pour ses actions et non pour ce qu’il est. Le but ne sera pas alors de mettre le parent sur le banc des accusés, mais plutôt de comprendre l’impact qu’a eu cette exigence sur cet enfant de l’époque. Comment son cerveau d’enfant a pu réagir à cette injonction qui perdure toujours trente ans après.

12. Je ne souhaite pas m’en sortir

Une autre notion primordiale à ne pas consulter un psy. Aussi étrange que cela puisse paraître une personne qui souffre peut avoir le désir de ne pas s’en sortir. Peut ne pas vouloir déployer le changement. La raison peut en être la peur du changement mais aussi la victimisation. Le besoin d’endosser ce rôle de victime. La victimisation est fondamentale dans le travail, elle est une étape importante à ne pas négliger mais comme le passé, la victimisation doit être une étape à dépasser et la résilience s’imposer ensuite. Il faut alors beaucoup de courage pour opérer un changement. La souffrance peut représenter une zone de confort. Par exemple il est mal dans son travail, au bord du burn out et pourtant il y reste. La zone de confort peut être le salaire, et l’habitude. Sortir de sa zone de confort c’est aller vers l’inconnu et cet inconnu même s’il présage du bon pour la santé mentale est source d’anxiété. Comme le dis si bien la phrase « on sait ce qu’on perd, pas ce qu’on trouve ». Donc la personne en proie à ce fonctionnement voudra privilégier un équilibre précaire plutôt que le risque de l’acte posé.

 

Voilà donc pour ces quelques exemples.

Quoi qu’il en soit, la psychologie est aussi une question d’époque, d’adaptabilité, de culture, de sociologie. Et le psy comme les autres doit s’adapter. Nous vivons dans une société du « aller vite », du « pressé » de la consommation à tous crins. Le psy aussi fait partie de cette consommation. Et le client demande à ce que ce travail soit rapide et peu onéreux. Le psy essaie donc de s’adapter à cette demande rapide. Alors qu’il y a quelques décennies il était inenvisageable un travail psychologique sur cinq séances, aujourd’hui la demande est l’inverse. Parfois c’est possible et cela suffira pour qu’une prise de conscience aie lieu et que la mise en action du changement s’opère. Parfois lorsque le problème est plus profond, lorsque les défenses et les résistances sont plus anciennes et plus ancrées, il nécessite plus de temps et plus d’argent.

Quoi qu’il en soit, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il faut beaucoup de maturité, d’humilité et de responsabilisation de soi pour aller consulter un psy. Et je conseillerais à mon niveau, concernant l’idée d’une mise en action pour créer le changement, que faire une séance sans engagement et sans se mettre la pression, peut-être une action déterminante.

 

Rédigé par :

Corinne Riest, psychothérapeute

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